
Fuite de données, c’est grave docteur ?
Fuite de données, c’est grave docteur ?
Depuis de nombreuses années, les cas de piratage et de fuites de données (que l’on appelle leak dans le jargon) se multiplient, à tel point que l’on ne compte malheureusement et presque plus le nombre d’entreprises, et surtout le nombre de clients, impactés. Alors que peut-on y faire à notre niveau ? Est-ce grave ? Que risque-t-on ?… On me pose régulièrement la question de savoir quel est le niveau de danger face à un piratage de données personnelles et surtout, que faire pour s’en protéger. Je prends un temps pour vous expliquer.
Un fléau de très grande ampleur qui ne cesse de s’étendre
Le piratage de données est un fléau qui s’étend un peu plus chaque jour. Les entreprises qui ont dû faire face au moins une fois à un cas de cyberattaque sont légion, parmi les plus célèbres cas récents recensés :
- Cultura (septembre 2024 – fichier de 1.5 millions de clients)
- SFR ( septembre 2024 – fichier de 3.6 millions de clients avec mise en vente sur le dark web en novembre 2024)
- Auchan (novembre 2024 – fichier de 500 000 clients)
- La Poste (mars 2025 – fichier de 50 000 utilisateurs)
- Autosur (mars 2025 – fuite de 10 millions de plaques d’immatriculation et données clients)
Et notamment ce qui est selon moi, pour le moment en tout cas, le paroxysme du vol de données :
- Boulanger (septembre 2024 – fichier de 28 millions de clients avec mise en vente sur le dark web)
- Free (octobre 2024 – fichier de 19 millions d’abonnés et 5 millions d’IBAN)
À cela, on n’oubliera évidemment pas d’y ajouter les innombrables collectivités publiques (mairies, communautés d’agglomérations, conseils départementaux et régionaux…), hôpitaux, crèches, universités, ainsi que les sites Internet des pouvoirs publics : Ameli, France Travail, Caisse d’Allocations Familiales…
Bien entendu, je ne vous dresse là qu’un triste tableau des cas de piratage les plus marquants. Je ne vous ferai pas le listing complet des centaines d’entreprises impactées, qui ont été recensées pour certaines et, sans nul doute, passées sous silence pour d’autres…
Données piratées, qu’est-ce que je risque ?
Si vous pensez faire partie des clients, abonnés ou usagers dont les données ont fuité, gardez votre calme, il n’est pas nécessaire non plus de paniquer. Tout d’abord parce que le mal est malheureusement déjà fait et que, hélas, tout ceci vous échappe. Il faut savoir que vu l’ampleur de la situation, on est tous déjà très certainement concerné par ce phénomène (on a tous un rapport plus ou moins direct avec une entreprise ou un organisme piraté), et que, pour le coup, « faire partie de la masse » vous protège un peu à titre individuel.
Ensuite parce que les pirates informatiques qui ont subtilisé vos données vont principalement s’en servir à deux fins principales…
La plupart du temps, les hackers vont revendre tout simplement les données volées au mieux offrant, puisqu’une base de données clients par exemple a une certaine valeur. Et plus elle contient de données, plus elle a de la valeur, d’où l’intérêt d’aller pirater des bases de données quantitatives mais aussi qualitatives. Ces fichiers client sont souvent mis en vente sur le dark web ou revendues en sous-main, à des escrocs et même certaines entreprises scrupuleuses, qui s’en servent ensuite pour vous démarcher par téléphone ou par e-mail.
Parfois, mais moins fréquents, les pirates vont se transformer eux-mêmes en escrocs et se servir des données piratées afin de se faire passer, notamment, pour votre conseiller bancaire auprès de vous. Cette usurpation d’identité est certainement l’aspect le plus dangereux de la fuite de données, car en étant en possession d’une foule d’informations sur vous, l’escroc à l’autre bout du fil peut facilement vous manipuler en vous mettant en confiance : « Bonjour Madame ou Monsieur Untel, vous habitez bien à l’adresse xxxxx, votre adresse e-mail est la suivante, etc… Je vous signale un prélèvement frauduleux sur votre compte bancaire n° xxxxx ». Et c’est bien souvent là que le piège se referme sur vous, la panique vous prenant, vous faites alors confiance à tort en la personne que vous avez au bout du fil, qui ne vous donnera que de mauvais conseils pour en réalité vous dérober de l’argent. Un petit conseil si cela vous arrive un jour : essayez de garder votre calme, restez toujours méfiant.e.s au téléphone et demandez systématiquement un rendez-vous en agence pour régler le problème.
En bref, on a tendance à penser que le piratage de données, y compris bancaires, fait craindre pour un piratage direct de compte bancaire. Il faut savoir que les banques se prémunissent depuis déjà de nombreuses années contre ce phénomène, donc, en réalité, les risques réels à ce niveau sont vraiment minimes, mais pas inexistants pour autant ! Cela grâce aux protections bancaires, par exemple la nécessité d’avoir un Sécuri’Pass (principe de la double authentification depuis le smartphone) pour valider une transaction bancaire. Les escrocs vont donc davantage concentrer leurs efforts à vous manipuler pour que soyez vous-mêmes à l’origine de la faille dans laquelle ils vont s’engouffrer… Donc restez vigilant.e en toute circonstance !
Est-ce qu’il existe des manières de se protéger ?
Alors je vais pas tourner autour du pot bien longtemps (surtout que l’article est déjà bien assez long comme ça !) : oui, il est possible de se protéger, dans une certaine mesure, du vol de données.
Déjà, il faut savoir que ce n’est pas au stade où on s’est fait pirater ses données qu’il faut s’inquiéter : la protection de ses propres données personnelles doit être un enjeu permanent. Trop peu de personnes sont conscientes que des données personnelles valent de l’or, et je pèse mes mots en disant cela.
En fait, pour se protéger au mieux du vol de données, le mieux c’est encore d’en donner le moins possible, au quotidien… « Était-ce vraiment nécessaire de préciser mon numéro de téléphone ou bien mon adresse postale lors de mon inscription sur ce site Internet l’autre jour, alors que ces informations n’étaient que facultatives ? » Voilà, par exemple, le type de question qui vous met sur la bonne voie 😉
J’irai même bien plus loin personnellement. Certains d’entre vous connaissent mon aversion pour les cartes de fidélité (on aura l’occasion d’en reparler dans un futur article), hé bien je pense que dans un contexte où le piratage de données est devenu quelque chose de massif, cela apporte une pierre de plus à mon édifice. Les cartes de fidélité vous permettent d’avoir des réductions en magasin lors de vos passages en caisse, mais avez-vous déjà songé à quel prix cela se faisait ? Au prix et en échange de vos données personnelles, tout simplement. Vous venez alimenter une base de données clients qui se nourrit de vos habitudes de consommation… Hé bien cette base de données clients, quand elle se fait pirater, c’est là les problèmes commencent pour vous… Et ne vous fiez pas aux discours de ces entreprises qui se font pirater, déjà elles ont trop tendance à minimiser les choses, par exemple SFR qui annonce en gros que « pas d’inquiétudes, vos données bancaires n’ont pas été impactées », or on a pu voir que ce n’était pas le problème principal du vol de données… Et ensuite parce qu’elles pourraient vraiment faire davantage d’efforts, selon moi, pour protéger ce trésor que sont vos données personnelles, en investissant dans de vrais systèmes de sécurité informatiques, pares-feux et compagnie… En somme, comme pour chacun d’entre nous, de ne pas attendre de se faire subtiliser des données pour agir !